04-27.05.17 - Rennes - France

Jean-François Karst, Planche contact

Exposition / Publication

Dans son rapport à la peinture, Jean-François Karst se réfère volontiers à une légende rapportée par Pline l’Ancien. Pour conserver la mémoire de son amant, Butadès de Sicyone aurait tracé les contours de son visage sur un mur, à l’aide de son ombre portée. Son père, potier, y appliqua ensuite de l’argile avant de faire durcir le relief avec le reste de ses poteries. Jean-François Karst se plait également à citer la découverte par l’égyptologue Auguste Mariette des deux sculptures du prince Rahotep et de son épouse Nofret en 1871, caractéristiques du naturalisme de la sculpture égyptienne du IIIe siècle avant JC. Enfouies dans une nécropole au sud du Caire, leurs yeux scintillèrent au contact de la lumière naturelle, provoquant une vague de terreur chez les ouvriers égyptiens les ayant découverts. À cette époque, il était notamment d’usage d’utiliser des pierres précieuses imitant parfaitement les yeux des défunts : quartz laiteux, iris en cristal de roche et pupille faite d’un cône d’ébène.

                                                                

Ces deux références évoquent la propension de l’art, depuis sa création, à conserver une empreinte du réel, à « imiter » (mimèsis) mais aussi à se jouer de la propriété des matériaux. Le travail pictural de Jean-François Karst interroge précisément cette faculté à faire illusion, à travers la notion de faux-semblant. En 2003, il inaugure une série de peintures dont le sujet est la matérialité même de la peinture – entendue depuis près de deux siècles comme une toile tendue sur un châssis. Les peintures consistent, en apparence, en de simples châssis ayant subi des déformations. Il s’agit en vérité de l’empreinte de véritables châssis, reproduite à partir d’un moule en latex, enduite de peinture acrylique et déformée par une masse remplissage venant rigidifier l’ensemble. Afin de repousser les limites de la peinture, les techniques employées par l’artiste incluent tout aussi bien de la mousse polyuréthane, de la résine, du latex que de la peinture, soit autant de matériaux empruntés au domaine de la sculpture et du bas-relief.

 

Dans la continuité de ces recherches, Jean-François Karst a initié en 2016 une série de multiples, Planche contact, érigeant le relief de matériaux quotidiens en motifs : feuilles de métal froissées, OSB, polystyrène, enrobé, crépi, mosaïque, etc. Après en avoir moulé un détail, l’artiste matérialise picturalement leurs empreintes avant de transférer le résultat sur une planche de bois. Ces multiples modifient notre perception de la peinture, celle-ci s’offrant à voir dans une dimension haptique. À la question « pourquoi peins-tu ? », Jean-François Karst répondait en 2009 : « Parce que ce qu’on voit est souvent différent de ce qu’on croit voir et pour ce qui se passe dans ces moments-là. Pour la perception qui se développe à force d’y faire attention et pour les effets que ça procure. (…) Pour réactiver des sensations »*. Les multiples apparaissent en effet comme une invitation à reconsidérer ces textures qui nous abritent ou nous entourent, que nous foulons du pied quotidiennement ou encore celles que nous destinons parfois au rebut.

 

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*Aude Launay et Jean-François Karst, entretien dans le cadre de l'exposition Une exposition de peinture, L’Atelier, Nantes, 2009.

 

 

In his relationship to painting, Jean-François Karst willingly refers to a legend reported by Pliny the Elder. To preserve the memory of her lover, Butades of Sicyone would have traced the outline of his face on a wall, using his shadow. Her father, who was a potter, then applied clay to the surface before hardening the relief with the rest of his pottery. Jean-François Karst also likes to mention the discovery by the Egyptologist Auguste Mariette of two sculptures of Prince Rahotep and his wife Nofret in 1871, characteristic of the naturalism of Egyptian sculpture of the 3rd century BC. Buried in a necropolis south of Cairo, their eyes sparkled in natural light, causing a wave of terror among the Egyptian workers who discovered them. At that time, it was tradition to use precious stones that perfectly imitated the eyes of the deceased: milky quartz, rock crystal irises and pupils made of an ebony cone.

 

 

These two references evoke the propensity of art, since its creation, to preserve an imprint of reality, to "imitate" (mimesis) but also to play with the properties of materials. The pictoral work of Jean-François Karst questions precisely this faculty to make illusion, thourgh the notion of false pretence. In 2003, he inaugurated a series of paintings whose subject is the very materiality of painting - understood for nearly two centuries as a canvas stretched on a frame. The paintings consist, in appearance, of simple stretchers that have been deformed. They are in fact the imprint of real stretchers, reproduced from a latex mold, coated with acrylic paint and deformed by a filling mass that stiffens the whole. In order to push back the limits of painting, the techniques used by the artist include polyurethane foam, resin, latex and paint, all materials borrowed from the field of sculpture and bas-relief.

 

 

In the continuity of this research, Jean-François Karst initiated a series of multiples in 2016, Planche contact, erecting the relief of everyday materials into motifs: crumpled metal sheets, OSB, polystyrene, asphalt, rendering, mosaic, etc. After molding a detail, the artist materialises the imprint before transferring the result on a wooden plate. These multiples change our perception on painting, the latter offering to look at it in a haptic dimension. To the question « why do you paint ? », Jean-François Karst replied in 2009 : « Because what we see is often different from what we think we see and for what happens in these moments. For the perception that we develop after we have been paying attention to it and for what it makes us feel. (…) To revive sensations ». Indeed, the multiples appear as an invitation to reconsider these textures that shelter and surround us, that we pass by everyday or the ones that we sometimes put to waste.